Les éducateurs et les éducatrices de ma résidence sont souvent plus en déplacement que les enfants eux-mêmes, une réalité qui rend le travail socio-éducatif difficile. Vous vivez souvent avec la souffrance d’enfants anonymes aux histoires dévastatrices et protégés du monde.
La lamentation annule notre empathie, sans laquelle nous laissons sans surveillance notre connaissance de la souffrance et de la manière de l'atténuer. La lamentation est un sentiment couvert de pitié qui nous remplit à la fois d’amour et de tristesse, faisant de l’autre une victime dépendante.
Dans le cas de la compassion, cela va au-delà des tapes dans le dos, c'est un acte chargé d'intentions de se connecter à la souffrance et de désirs de vouloir l'alléger. C’est un sentiment bienveillant qui est loin des paroles et des gestes qui recherchent le bien-être, le nôtre.
« J'ai vécu cinq ans dans une résidence, pendant toutes ces années j'ai eu d'innombrables éducateurs, professeurs et psychologues, un va-et-vient de professionnels qui avec leurs regrets ont forgé mon être. Tous ont été prudents avec mes limites, ils m'ont traité avec une certaine particularité ; J'étais celui qui pouvait, celui qui avait besoin, celui qui réussissait, mais malgré cela, je ne me sentais pas aimé.
Enfant, j'ai vu d'horribles monstres me traquer dans l'obscurité, j'ai pu les toucher, sentir leurs soupirs et leurs voix. Plus tard, quand j'étais adolescente, j'ai eu envie de devenir l'une d'entre elles, de ressentir la peur dans le corps des autres, leurs gestes, leurs regards, leurs émotions, de quoi montrer mon angoisse.
Avec mon monstre, la lamentation a cessé de me poursuivre, je suis devenu indésirable et par conséquent j'ai été réduit au silence et abandonné à l'exil. Mon monstre est vil et arrogant, il fait partie de mon identité, j'aimerais qu'un jour quelqu'un le reconnaisse au-delà de ce qu'il montre et le transforme en quelque chose d'amical, enclin à être aimé. »
Antonio Argüelles, Barcelone.
Comments