Culpabilité.

Se sentir coupable d'actes incompréhensibles est un moyen de survivre dans un monde où l'on n'a aucun contrôle. La culpabilité est inhérente à l'être humain et nous aide à nous adapter et à faire preuve d'empathie envers les autres, mais ce n'est pas toujours le cas. Là où je travaille, elle se transforme souvent en une incapacité à se sentir bien. Cette incapacité à s'adapter peut engendrer irritabilité, nervosité, colère et frustration, des sentiments de défense qui bloquent les émotions profondes, la tristesse. Affronter sa tristesse seul peut être accablant ; parfois, il vaut mieux supporter la culpabilité ; ce sera toujours plus léger.

« J'aime beaucoup mon père et ma mère. Parfois, ils se disputent, ils en viennent aux mains, je vois du sang sur les murs, j'entends des paroles incendiaires et mon corps se fige de peur, mais je ne peux m'empêcher de les aimer. Ma mère désemparée appelle la police, mon père déchaîne sa colère, je me jette à son cou, il me jette à terre et laisse ma mère.

Telle était ma vie avant d'arriver dans cette résidence. Maintenant, je ne peux plus arbitrer leurs conflits ni apporter un peu de calme à leurs foyers. Que vont-ils devenir ? Ils ont besoin de moi pour gérer leur vie, et je me sens coupable de les avoir laissés tomber.

À la résidence, les visites sont pénibles. Quand mon père vient, il me demande d'être forte, de ne pas pleurer. Je garde un sourire impassible, même le cœur brisé. Quand ma mère vient, elle me demande constamment si je suis triste. Je fais semblant d'être heureuse et joyeuse avec elle ; je ne veux pas qu'elle subisse ce que je subis.

Les nuits sont difficiles pour les professeurs ; ils voient comment je m'appuie sur ma culpabilité pour échapper à la réalité. Chaque larme qui tombe de mes yeux, je la camoufle en colère, je veux le contrôle, même si cela signifie ignorer l'évidence. »

Antonio Argüelles, Barcelone.